La commission des finances de l’Assemblée nationale attaque mardi soir l’examen du budget 2024. Plus de 3 500 amendements ont été déposés ! Dans le lot, voici 10 nouveautés proposées aux députés, en commission des finances, en se concentrant sur les mesures issues de la majorité. Le recours à l’article 49.3 plane en effet au-dessus du budget 2024, ce qui laissera alors tout le loisir au gouvernement de sélectionner les amendements qu’il estime prioritaires.
1 – Un barème (quasi) gelé pour les ménages aisés
Le barème de l’impôt sur le revenu est revalorisé au rythme de l’inflation, à quasi 5%. Cela permet d’éviter des hausses d’impôt trop franches pour ceux dont les revenus progressent au rythme de l’inflation. Un gel (comme en 2012 et 2013) aurait en revanche conduit à une hausse généralisée de l’impôt pour tous ceux dont les revenus grimpent en 2023.
Deux amendements déposés en commission par sept députés Renaissance (Damien Adam, Jean-Philippe Ardouin, Benoît Bordat, Mireille Clapot, Laurence Heydel Grillere, Sandrine Le Feur et Cécile Rilhac) proposent d’indexer différemment le barème pour les ménages les plus aisés.
Leur proposition : « un mécanisme différencié [et] un effort supplémentaire aux plus aisés avec une indexation limitée à 3% pour les revenus soumis à un taux d’impôt sur le revenu de 41% et à 1% pour les contribuables de la plus haute tranche [45%]. » En clair : non pas un gel, mais une revalorisation bien moindre pour les plus aisés.
Tranche de revenu par part fiscale | Taux applicable pour la tranche |
---|---|
Jusqu’à 11 294 € | 0% |
De 11 295 € à 28 797 € | 11% |
De 28 798 € à 82 341 € | 30% |
De 82 342 € à 177 106 € | 41% |
Plus de 177 106 € | 45% |
Barème prévu dans le projet de loi de finances pour 2024.
Sort envisageable ? Adoption improbable, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire répètant inlassablement la ligne fiscale du gouvernement : pas de hausse d’impôt. Or gel le barème sur les tranches supérieures reviendrait à augmenter l’impôt sur le revenu des plus aisés.
2 – Impôt à la source : un taux individualisé par défaut
Par défaut, si vous êtes en couple, votre taux d’impôt à la source est le « taux personnalisé » du foyer. Le même pour madame et monsieur dans le cas d’un couple hétérosexuel. Et si vous voulez le « taux individualisé » afin que chaque taux colle au plus près des revenus de chaque membre du couple, alors il faut le réclamer au fisc, via la rubrique « gérer mon prélèvement à la source » sur impots.gouv.fr. Or, ce choix par défaut défavorise le plus souvent les femmes, dont le salaire est en moyenne plus faible que celui de leur conjoint ou mari.
L’amendement de Marie-Pierre Rixain « inverse, à compter de 2025, la logique qui prévaut actuellement s’agissant du taux de prélèvement à la source en proposant l’application par défaut du taux individualisé, tout en ménageant la possibilité pour les contribuables concernés d’opter pour le maintien du taux du foyer fiscal ». Entrée en vigueur de la mesure : 1er septembre 2025.
Sort envisageable ? Adoption très probable, puisque cette mesure a été annoncée par la Première ministre Elisabeth Borne en mars dernier.
3 – Impôts sur les donations : restaurer l’indexation sur l’inflation
100 000 euros pour chaque enfant, 31 865 pour un petit-enfant ou 15 932 pour un frère ou une sœur : voici les seuils d’abattement de droits de donation vabables sur une durée de 15 ans. En clair, tous les 15 ans, vous pouvez donner jusqu’à 100 000 euros (et même un peu plus) à chacun de vos enfants sans aucun impôt.
Cinq députés Renaissance veulent indexer ce barème sur l’inflation, afin de le faire progresser comme le barème de l’impôt sur le revenu chaque année. « Ce mécanisme d’indexation existait jusqu’en 2012 pour faire face à l’inflation, expliquent-ils dans l’exposé des motifs. Depuis le début de l’année 2022, l’inflation atteint un niveau très élevé. Il serait nécessaire de restaurer le mécanisme d’indexation des plafonds d’exonération de droits de mutation à titre gratuit tel qu’il existait avant 2012, ainsi que des tranches d’imposition des barèmes progressifs. »
Sort envisageable ? Adoption peu probable, sauf surprise, cette mesure n’ayant jamais été citée parmi les mesures fiscales envisageables par le gouvernement. Et l’idée de toucher à ces seuils esquissée en 2021 avait finalement été remisée au placard, Bercy estimant alors que les abattements actuels « suffisent ».
A savoir : de très nombreux amendements visent à assouplir la fiscalité successorale. D’autres mesures pourraient donc sortir des débats en commission.
4 – Un impôt fléché selon vos envies
« Créer une part participative de 5% de l’impôt sur le revenu que les contribuables pourront affecter à la politique publique de leur choix » : voilà la proposition d’Eric Woerth soutenue par trois autres députés Renaissance. « Cette mesure en partie symbolique, permettrait un meilleur consentement à l’impôt et d’assoir l’idée que le paiement de l’impôt est un acte citoyen au service de l’intérêt général », défend-t-il en exposé des motifs de son amendement.
Sort envisageable ? Adoption peu probable, même si l’amendement est très peu contraignant, demandant uniquement au gouvernement de remettre un rapport à ce sujet au Parlement d’ici juin 2024.
5 – Demi-part des veuves de combattant : un nouvel oubli à réparer
La demi-part fiscale supplémentaire était réservée aux veuves et veufs de plus de 74 ans dont l’époux décédé percevait la retraite du combattant, attribuée elle à partir de 65 ans. Le budget 2023 a supprimé « la condition d’âge de la personne titulaire de la carte du combattant au moment de son décès ».
Problème : « Ce dispositif a révélé que des combattants en possession de leur titre de reconnaissance de la Nation sont décédés jeunes, sans avoir eu le temps d’obtenir leur carte du combattant », expliquent une dizaine de députés Renaissance. Par conséquent, 2% des veuves de combattants seraient oubliés. Un amdement vise à corriger cette erreur.
Sort envisageable ? Adoption possible.
6 – Prêt immobilier : des intérêts déductibles en cas de premier achat
« Instaurer un dispositif permettant aux Français en quête d’un premier logement de bénéficier d’une déductibilité de leurs intérêts d’emprunt, dès lors que celui-ci répond aux exigences de construction environnementale » : voici l’objectif des députés de la majorité présidentielle Antoine Armand, Jean-Philippe Ardouin, Olga Givernet, Brigitte Klinkert, Delphine Lingemann, Xavier Roseren, Lionel Vuibert et Hubert Ott. Plus concrètement : 30% des intérêts d’emprunt déductibles jusqu’à 3 750 euros par an pour une personne seule et 7 500 euros pour un couple.
Sort envisageable ? Adoption peu probable, un amendement identique ayant déjà été rejeté l’an passé.
7 – Airbnb : la fiscalité de la location meublée revue et corrigée
Ce n’est pas un secret : face à la crise du logement, le gouvernement et la majorité présidentielle veulent rendre moins attractive la fiscalité de la location de meublés de tourisme classés, et notamment la fiscalité applicable aux revenus tirés via Airbnb dans les grandes villes.
La mesure : très probablement un alignement du taux d’abattement actuel (71%) sur celui de la location meublée classique (50%) et une réduction du plafond de revenus pour en bénéficier. Mais sur ce point, Bercy a choisi de ne pas intégrer de mesure dans le projet de loi de finances pour 2024. Le gouvernement renvoie la balle aux parlementaires… Face à cet appel du pied, foule d’amendements proposent une solution. Reste à savoir lequel sera choisi.
Sort envisageable ? Adoption très probable… mais reste à voir sur laquelle ou lesquelles des multiples mesures en débats s’arrêteront gouvernement et parlementaires.
8 – Voiture électrique : le crédit d’impôt « borne de recharge » reboosté
Un amendement du député Mathieu Lefèvre et co-signé par la plupart des députés Renaissance de la commission des finances vise à porter le crédit d’impôt pour l’installation de bornes de recharge à domicile pour les particuliers de 300 à 500 euros. « Ce renforcement est indispensable compte tenu du coût constaté de l’installation des systèmes de bornes à domicile, évalué entre 1 000 et 2 000 euros », pointe l’exposé de l’amendement.
Sort envisageable ? Adoption possible.
9 – La réduction Ehpad transformée en crédit d’impôt pour les plus modestes
La mesure réclamée de très longue date par la députée PS Christine Pirès Beaune, transformer la réduction Ehpad en crédit d’impôt pour qu’elle profite à tous, va-t-elle aboutir ? L’an passé, la députée a finalement obtenu une mission sur cette réduction d’impôt.
Pour ce budget 2024, un amendement porté par une quinzaine de députés Renaissance reprend désormais la proposition initiale de la députée PS. L’esquisse d’un compromis général ?
Sort envisageable ? Adoption possible, puisque Bruno Le Maire avait ouvert la porte – à demi-mot – à cette mesure lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale suite à la présentation du projet de loi de finances pour 2024.
10 – Réduction d’impôt bientôt étendue aux dons aux associations féministes
Un amendement de la députée Marie-Pierre Rixain vise à étendre aux « associations féministes » la réduction d’impôt de 66% pour dons aux œuvres. Plus précisément, le texte étend cet avantage fiscal aux associations « concourant à l’égalité entre les femmes et les hommes » pour reprendre les termes de l’amendement.
Sort envisageable ? Adoption très probable, puisque cette mesure « a été annoncée par la Première ministre lors de la présentation du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027) à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2023 », comme le souligne l’exposé de l’amendement.
Et aussi… des prolongations
Réduction « loi Coluche ». Un amendement co-signé par tout le groupe Renaissance en commission des finances vise à prolonger jusqu’en 2026 le plafond majoré de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons aux organismes d’aide aux plus démunis, dit « loi Coluche ». Ce plafond est réhaussé exceptionnellement à 1 000 euros de dons (soit 750 euros de réduction d’impôt) depuis la crise sanitaire Covid-19.
Sofica. Un amendement co-signé par les membres les plus influents de la majorité en commission des finances propose de prolonger le dispositif de réduction d’impôt pour investissement dans les sociétés de financement en capital d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles (Sofica) jusqu’à fin 2026.
Source : Moneyvox