Taux du Livret A : mauvaise surprise pour vos intérêts, faut-il changer la formule de calcul ?

Rédigé le 21/02/2024

Source MoneyVox 20.02.2024

Le Conseil d’Etat vient de le confirmer : l’exécutif avait le droit, en juillet dernier, de geler le taux du Livret A à 3%. Le constat n’en reste pas moins vrai : la règle, qui prévoit une révision automatique tous les 6 mois en fonction de l’inflation et des taux interbancaires, n’est presque jamais appliquée. Faut-il la changer ?

Jeudi 13 juillet 2023. Bruno Le Maire se présente au journal télévisé de TF1 pour annoncer la mauvaise nouvelle : le taux du Livret A, attendu à 4,10% en raison, notamment, de l’inflation, est maintenu à 3%. Pire : ce taux ne bougera pas, ni à la hausse, ni à la baisse, avant février 2025, quelle que soit l’évolution du contexte de prix et de taux. Six mois plus tard, la décision continue d’être particulièrement défavorable aux épargnants.

Pour la justifier, le ministre de l’Économie a invoqué des « circonstances exceptionnelles ». Ce n’est pas un hasard : selon l’arrêté qui encadre la fixation des taux des livrets réglementés, ces circonstances exceptionnelles sont nécessaires pour justifier le choix de l’exécutif de décréter le taux du Livret A. En leur absence, la règle est la révision automatique du taux, en fonction du résultat d’une formule arithmétique intégrant deux variables, l’inflation hors tabac et les taux courts interbancaires. Or l’arithmétique était claire : le taux du Livret A aurait dû passer à 4,10% le 1er août 2023 et à 3,90% le 1er février 2024.

Les circonstances étaient elles vraiment exceptionnelles, suffisamment pour justifier ce gel ? Le Conseil d’Etat, saisi par Paul Cassia, un professeur de droit public, n’a en tout cas rien trouvé à y redire.

Contre la « fixation administrative » des taux de l’épargne réglementée

Rapide retour en arrière : cela fait près de 20 ans, depuis 2004, que le principe de la révision automatique du taux du Livret A tous les six mois a été mis en place. Avant cette date ?

Fixer la rémunération de l’épargne populaire était une prérogative de l’exécutif. De 1818, date de la création du livret, à 1984, elle a été fixée par décret, puis, de 1984 à 2004, par un comité dédié (2). Pour un même résultat : pour l’opinion publique, le taux du Livret A restait un choix politique, piloté par l’exécutif. Résultat : toute baisse du taux le rendait impopulaire auprès des épargnants.

C’est notamment pour mettre un terme aux « graves inconvénients liés à la fixation administrative des taux » qu’un rapport (3) commandé par Bercy et signé par Christian Noyer et Philippe Nasse, a recommandé en janvier 2003 d’opter pour une indexation automatique du taux du Livret A. Une proposition mise en œuvre à partir du 1er juillet 2004 par Francis Mer, à l’époque ministre de l’Économie du gouvernement Raffarin.

Ce dernier, toutefois, n’est pas allé au bout de la logique du rapport Noyer-Nasse. L’exécutif a conservé le pouvoir de déroger à la nouvelle règle, en cas de « circonstances exceptionnelles » donc, et de fixer lui-même le taux, sur proposition de la Banque de France.

La dérogation quasi-permanente

Conçue à l’origine pour trouver le meilleur compromis entre, d’un côté, l’intérêt des épargnants (un rendement « positif », c’est-à-dire supérieur à l’inflation) et, de l’autre, celui des banques et des emprunteurs (une ressource proche des taux du marché pour leurs prêts), la formule de calcul a été ajustée à plusieurs reprises depuis 2003. La dernière en date, en 2018, a clairement fait pencher la balance du côté des banques et des emprunteurs, en supprimant le plancher inflation, soit cette règle qui voulait que le taux du Livret A ne puisse pas être inférieur à l’inflation hors tabac.

Cet article provient du Site SNE-CGC