Le Parlement et le Conseil de l’Union européenne ont trouvé un accord fixant des règles communes visant à garantir dans chaque pays un salaire minimum adéquat. La CFE-CGC a contribué à la réflexion autour de cette initiative législative.
Les colégislateurs européens, le Conseil et le Parlement, sont parvenus dans la nuit du 6 au 7 juin à un compromis sur la proposition de directive sur les « salaires minimums adéquats dans l’Union européenne ». Celle-ci avait été initialement proposée en octobre 2020 par la Commission européenne, malgré ses compétences limitées en la matière.
PAS DE SALAIRE EUROPÉEN UNIQUE MAIS UN CADRE POUR DES SALAIRES MINIMAUX LÉGAUX « ADÉQUATS »
La directive européenne n’impose pas un niveau de salaire minimum commun à tous les États membres, ni même un seuil contraignant à atteindre (exemple : 60 % du salaire médian). Cela n’aurait pas été conforme aux traités en vigueur, dépassant les compétences de l’UE en la matière. Par ailleurs, la directive n’oblige pas à introduire un salaire minimum dans les six pays (Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Suède) qui n’en disposent pas et où la question des niveaux de revenus relève de la négociation collective.
Le texte propose plutôt des règles contraignantes pour les 21 États membres déjà pourvus d’un salaire minimum légal, afin de favoriser son augmentation. L’objectif est de s’assurer que le salaire minimum légal dans chaque État membre soit suffisant pour garantir un niveau de vie décent, compte tenu de leurs propres conditions socioéconomiques, du pouvoir d’achat et en se basant sur un panier de biens et de services à prix réels ainsi que sur des niveaux nationaux de productivité et de développement à long terme.
Les États membres qui appliquent des salaires minimaux légaux devront mettre en place un dispositif pour les fixer et les actualiser, en associant les partenaires sociaux. Le texte prévoit que les salaires minimaux légaux doivent être revalorisés au moins tous les deux ans sauf pour les pays qui utilisent un mécanisme d’indexation automatique, pour lesquels une période de quatre ans s’applique. Le texte mentionne que les gouvernements « peuvent appliquer des valeurs de référence, comme 60 % du salaire médian brut ou 50 % du salaire moyen brut », mais cela n’est pas contraignant.
La directive prévoit aussi des mécanismes pour garantir la collecte de données comparables sur l’application du salaire minimum et pour assurer l’accès des travailleurs à des voies de recours en cas de non-respect du niveau du salaire minimum. Pour cela, le texte stipule un renforcement des contrôles effectués par les inspections du travail, et le développement de la capacité des autorités chargées des mesures d’exécution à poursuivre les employeurs qui ne respectent pas les règles.
RENFORCEMENT DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE
S’appuyant sur les travaux de l’OCDE et de l’OIT, le texte rappelle que les pays dans lesquels le recours aux négociations collectives est important se distinguent généralement par une plus faible proportion de travailleurs à bas salaires, des inégalités salariales moindres et des salaires plus élevés. C’est pourquoi la directive européenne ambitionne de promouvoir et de faciliter la négociation collective sur les salaires. Le texte prévoit ainsi que lorsque le taux de couverture des conventions collectives est inférieur à 80 %, les États membres doivent établir un plan d’action pour promouvoir la négociation collective au travers d’un calendrier clair et de mesures concrètes.
Cet objectif est ambitieux. À ce jour, seuls 7 États membres ont un taux de couverture conventionnelle supérieur à 80 % : l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l’Italie et la Suède. Ce point a fait l’objet de négociations intenses entre les institutions, le Parlement européen ayant défendu ardemment un objectif plus élevé que celui des 70 % initialement proposé par la Commission.
IMPLICATION ET REGARD DE LA CFE-CGC
La CFE-CGC a contribué à plusieurs niveaux à la réflexion autour de cette initiative législative européenne. Elle a nourri les positionnements de la Confédération européenne des cadres (CEC) lors des consultations des partenaires sociaux européens ayant précédé la publication de la proposition de la Commission. La CFE-CGC a également échangé avec le rapporteur du texte au Parlement européen, le député européen Mounir Satouri, et a été auditionnée par le Sénat sur les enjeux du texte.
Il s’agit là d’une initiative phare en matière sociale, promise par la Commission au début du mandat de la présidente Ursula von der Leyen, et présentée comme une des priorités de la présidence française du Conseil de l’UE. Parvenir à un accord aussi rapidement était presque inespéré : c’est donc une très bonne nouvelle pour renforcer l’Europe sociale.
Concernant la situation française, la directive européenne devrait avoir un impact direct assez limité puisque le salaire minimum légal semble correspondre aux critères prévus par le texte et que le taux de couverture conventionnel excède les 80 %. Il pourrait néanmoins donner lieu à une implication plus forte des partenaires sociaux.
À moyen terme, la directive devrait aussi permettre d’accélérer l’augmentation des niveaux de salaire dans les pays où ils sont les plus bas. La réduction des écarts contribuera à lutter contre le dumping social en assurant une rémunération décente aux travailleurs européens. La CFE-CGC regrette toutefois que les critères concernant le niveau des salaires minimums restent largement à l’appréciation des États membres.
En matière de négociation collective, cette directive présente une vraie plus-value avec l’objectif ambitieux des 80 % de couverture conventionnelle dans les États membres. Le texte comporte des améliorations contraignantes pour renforcer la négociation collective et les partenaires sociaux.
LES PROCHAINES ÉTAPES
L’accord politique auquel sont parvenus le Parlement européen et le Conseil après huit cycles de négociation doit à présent être approuvé formellement par les deux instances. Certains États membres comme le Danemark et la Suède restent réticents, de peur de voir leur modèle social remis en question – alors même que ces craintes ont été prises en considération de manière à écarter tout risque dans la rédaction du texte.
Malgré cela, hors retournement de situation très peu probable, la directive a de grandes chances d’être adoptée. Elle entrerait en vigueur 20 jours après sa publication au journal officiel de l’Union européenne. Les États membres disposeraient alors d’un délai de deux ans pour transposer les dispositions de la directive en droit interne.