Souvent vécus comme injustes, les frais de traitement de la succession restent massivement facturés par les banques à la suite du décès de leurs clients. Et, contrairement à l’an dernier, leur prix ne baisse plus, malgré la pression imposée par les pouvoirs publics.
Retour au printemps 2022. A l’époque, La Banque Postale fait polémique après avoir fait payer la clôture du Livret A d’un enfant de 9 ans décédé. Une opération facturée 138 euros, au titre des frais de traitement de la succession, conformément à sa brochure tarifaire. Face à l’indignation soulevée par sa décision, l’établissement choisit néanmoins de rembourser la famille et annonce qu’elle ne facturera plus ces frais dans le cas de décès de mineurs.
L’émoi suscité par l’affaire pousse alors le ministère de l’Economie à mettre la pression sur les banques : si elles ne modèrent pas leurs tarifs, avertit Bercy, l’exécutif pourrait en passer par la loi pour plafonner cette ligne tarifaire, comme il l’a déjà fait, par exemple, pour les commissions d’intervention ou les transferts de PEA. Message reçu : dans la foulée, le prix moyen de ces frais bancaires de succession baisse. De façon modérée, toutefois : -3,7% entre novembre 2021 et 2022, pour une succession simple de 15 000 euros.
Un (petit) effort sans lendemain
Qu’en est-il en 2023 ? Comme chaque année, à l’approche de la Toussaint, MoneyVox a analysé les brochures tarifaires en vigueur au 1er novembre des 128 banques servant la clientèle des particuliers. Verdict ? Le (petit) effort de 2022 est resté sans lendemain. Selon nos calculs, le coût moyen d’une succession simple de 15 000 euros est resté stable, passant en un an de 205 à 204,90 euros. Le coût médian, lui, est en légère hausse : 197,50 euros, contre 195,50 il y a un an.
La grande majorité des banques, en effet, a choisi de ne pas toucher à cette ligne tarifaire. Seuls 2 établissements (BNP Paribas Réunion et Crédit Agricole Sud Méditerranée) affichent des baisses. Elles sont en trompe-l’œil. Chez BNP Paribas Réunion, une succession de 15 000 euros coûte effectivement un peu moins cher. Mais la banque a, dans le même temps, diminué le seuil de gratuité, de 500 à 200 euros, et relevé le plafond de prix, de 516,63 à 750 euros. Même chose au Crédit Agricole Sud Méditerranée. La banque a réduit les frais de virement (de 185 euros maximum à 90 euros), ce qui explique la baisse constatée sur nos critères. Mais elle a aussi supprimé le seuil de gratuité, fixé auparavant à 1 000 euros, et mis en place un montant de frais minimum de 81,60 euros. Dans ces deux banques, les clients seront donc plus nombreux qu’il y a un an à devoir régler des frais de succession.
Huit établissements ont également alourdi leur facturation. C’est le cas, en particulier, dans les Banques Populaires Aquitaine Centre Atlantique et Méditerranée, qui prélèvent désormais 1,30% du montant des actifs de la succession, contre 1% il y un an… Soit une hausse de 30%, tout de même.
Des frais apparemment arbitraires
Au-delà de leur coût, ces frais de traitement des successions irritent aussi par leur caractère apparemment arbitraire. Interrogée sur le sujet en 2022, la Fédération bancaire française (FBF) justifiait la perception de ces frais par la mise en œuvre de « nombreuses opérations non automatisables, contribuant à la sécurité et la fiabilité de la succession ».
Dont acte. Comment expliquer, dans ce cas, qu’une succession simple de 15 000 euros coûte 0 euro chez BoursoBank et 450 euros chez Allianz Banque ? 75 euros au Crédit Agricole Nord-Est et 390 euros au Crédit Agricole Languedoc, du simple au quintuple donc, pour 2 établissements qui appartiennent pourtant au même groupe bancaire ?
Banque | Frais au 1er novembre 2023 |
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Top 5 des banques les plus chères | |
Allianz Banque | 450 € |
Crédit Agricole Languedoc | 390 € |
Banque Populaire Val de France | 345 € |
Crédit Agricole Guadeloupe | 338 € |
Crédit Agricole Martinique | 331,68 € |
Top 5 des banques les moins chères | |
Crédit Agricole Loire Haute-Loire | 118,50 € |
Crédit Agricole Ile-de-France | 80 € |
Crédit Agricole Nord Est | 75 € |
N26, Ma French Bank | 50 € |
BoursoBank | 0 € |
Source : plaquettes tarifaires des banques.
Relevé, comparatif et calcul des frais de succession effectué par MoneyVox.
Autre pratique qui interroge : la facturation, par les banques du groupe Crédit Mutuel Alliance Fédérale (y compris CIC et Monabanq) et quelques Crédits Agricoles, de frais de virement, qui s’ajoutent aux frais de traitement de la succession lorsque les ayants droit du défunt demandent à transférer la somme vers un autre réseau bancaire. Des frais qui, dans le cas du Crédit Mutuel, sont proportionnels (1%) au montant à virer, alors que le prix des virements est généralement fixe, quel que soit le montant, et pas très cher : un peu de 4 euros en moyenne, lorsqu’il est effectué au guichet d’une banque.
Les successions de mineurs toujours facturées
Reste le cas des successions ouvertes suite au décès de personnes mineures. Après la polémique générée par l’attitude de La Banque Postale et la mise en garde du ministre de l’Economie, on pouvait s’attendre à une disparition de cette pratique. C’est loin d’être le cas, même si la situation s’améliore. Si l’on en croit les brochures tarifaires en vigueur au 1er novembre, seuls 37 établissements sur 128 affichent explicitement qu’ils ont mis fin à cette pratique. On y retrouve 8 Banques populaires, 6 Caisses d’épargne, 11 Crédits agricoles, ainsi que le Crédit Coopératif, Fortuneo, BoursoBank ou LCL… Mais pas La Banque Postale. Cette dernière nous assure pourtant que, « depuis juin 2022, [elle] ne facture plus de frais de dossier successions à ses clients lorsque le décès intervient pour un client mineur ». Cette exonération, toutefois, n’apparaît pas dans sa brochure tarifaire : « [elle] est assurée par dérogation par les équipes de la banque en charge du suivi des dossiers de succession ».
Source : Moneyvox