Source MoneyVox 14.06.2024

Combien donner à un enfant sans payer de droits de donation ? Et à une personne hors de la famille ? Lors d’un héritage, faute d’accord entre héritiers, combien de temps le dossier peut-il rester bloqué ? Les droits de succession sont-ils calculés en prenant en compte les donations passées ? Peut-on déshériter ? Autant de questions reçues par la rédaction de MoneyVox que nous avons posées à la notaire Nathalie Couzigou-Suhas. Voici ses réponses.

1 – « Quelle est la limite du présent d’usage, ce cadeau sans déclaration aux impôts ? »

Donner de l’argent à ses proches n’est pas systématiquement synonyme d’impôts à payer ! Loin de là. Les abattements et exonérations pour don d’argent permettent déjà de donner des dizaines de milliers d’euros sans droits de donation, à condition que le don se fasse en famille (voir le tableau plus bas).

Surtout, avant même de penser aux droits de donation, la règle du présent d’usage vous exonère même de déclaration ! Alors, combien ? Ça dépend. Voici une réponse bien peu précise mais il est impossible de livrer un chiffre autrement qu’en répondant montant infime… et surtout offert à l’occasion d’un événement comme le précise Nathalie Couzigou-Suhas, notaire et chargée d’enseignement à l’Ecole nationale de la magistrature : « Le présent d’usage doit être proportionnel à la fortune et au revenu et, surtout, surtout, il doit être donné à l’occasion d’un événement. Il faut que cela soit un événement socialement admis : cela peut être à un anniversaire, la réussite à un examen, un Pacs, des fiançailles, un mariage, etc. Il est même conseillé de faire un libellé se rapportant à cet événement en cas de virement bancaire. »

« Combien on peut donner à ses enfants en don d’usage ou présent d’usage sans le déclarer aux impôts ? »

2 – « Jusqu’à combien d’abattement et exonération peut-on cumuler pour donner à un enfant ? »

« 100 000 euros d’abattement, pour chaque enfant et par parent, quel que soit leur âge respectif, et 31 865 euros mais spécifiquement en argent, en “sous”, tant que vous avez moins de 80 ans et que votre enfant est majeur ! Une personne riche peut donc donner jusqu’à 131 865 euros, tous les 15 ans, sans avoir à payer de droits de donation. » Voici une réponse synthétique et efficace de Me Couzigou-Suhas. Pour plus de détails, voir la réponse détaillée et notre tableau ci-dessous.

« Peut-on cumuler 100 000 plus 31 000, ce qui fait 131 000 euros, à donner à un enfant en une seule fois pour 15 ans ? »

Qui reçoit l’argent ?Combien ?Quand ?Déclaration nécessaire ?
Présent d’usage
Tous (quel que soit
le lien de parenté)
Sans limite précise
mais d’un montant raisonnable1
Pour un événement ponctuel
(anniversaire, Noël, mariage, naissance, etc.)
Exonération pour dons d’argent en famille
Enfant, petit-enfant,
arrière-petit-enfant2
31 865 €
par bénéficiaire3
Plafond valable sur 15 ans
Abattements de droits de donation
Époux ou
partenaire de Pacs
80 724 €Plafond valable sur 15 ans
Enfant100 000 €
pour chaque enfant
Petit-enfant31 865 €
pour chaque petit-enfant
Arrière-petit-enfant5 310 €
par bénéficiaire
Frère ou sœur15 932 €
par bénéficiaire
Neveu ou nièce7 967 €
par bénéficiaire

1 Montant devant rester infime vis-à-vis des revenus ou du patrimoine de la personne qui donne.
2 Voire neveu ou nièce en l’absence de descendant.
3 Sous conditions : donateur de moins de 80 ans, et bénéficiaire majeur ou mineur émancipé.

3 – « J’ai donné 100 000 euros à mes 3 enfants il y a 2 ans. Si je décède l’an prochain, vont-ils devoir payer des impôts sur cet héritage ? »

Il manque une précision concernant des questions de Claudio, qui précise avoir 69 ans, mais on ne sait pas s’il a donné 100 000 euros à chaque enfant, ou 100 000 euros répartis en trois parts égales (33 333 euros). Disons que c’était 100 000 euros par enfant, soit le maximum pour éviter les droits de donation.

La notaire parisienne commence par rassurer Claudio : « Ce qui est donné n’est plus à payer », le fisc ne revenant pas chercher des frais sur ces 100 000 euros déjà donnés. En revanche, oui, ces 100 000 euros seraient pris en compte pour les droits de succession en cas de décès lors des 15 années suivant cette donation. En cas de décès « l’an prochain », comme le demande Claudio, « sur le reliquat [de l’héritage], les enfants seront imposés sans l’abattement de 100 000 euros », confirme M. Couzigou-Suhas.

« Si je décède l’an prochain, mes enfants vont-ils devoir payer des impôts ? »

4 – « Je vais donner de l’argent à mon fils et ma fille. Vont-ils devoir payer des droits de donation aux impôts ? »

En cas de donation, « c’est au bénéficiaire de payer les droits », tranche l’administration fiscale. Mais, « ce qui est intéressant, avec une donation, c’est que la personne qui donne peut choisir de payer les droits, en plus de ce qu’elle donne », explique Nathalie Couzigou-Suhas. Et ce sans que cette prise en charge ne vienne alourdir le montant de la donation prise en compte pour le calcul des impôts à régler.

« Qui paie les droits de donation ? Celui qui donne ou celui qui reçoit ? »

5 – « Les frais de succession sont-ils pris directement sur l’héritage ? »

« En cas de succession les droits viennent rogner la somme à transmettre », confirme la notaire parisienne. « Les droits de succession sont à payer au fisc dans les 6 mois suivant le décès. Ils sont le plus souvent prélevés par le notaire sur l’héritage à verser aux ayants droit. »

6 – « Combien de mois un dossier de succession peut-il rester bloqué ? Combien de délai prévoir pour recevoir le solde ? »

« Mis à part les 6 mois pour le paiement des impôts, il n’existe aucun délai légal », répond Me Couzigou-Suhas. Autrement dit, si les hériters ne parviennent pas à se mettre d’accord, si la succession devient conflictuelle, alors elle peut s’éterniser et seule la justice (ou un accord amiable avec l’aide d’avocats) mettra fin à ce conflit.

7 – « Je n’ai pas d’enfant. Je veux donner de l’argent à mon frère et ma sœur ainsi qu’à mes neveux et nièces. Quel est l’abattement fiscal ? »

Clarisse, la lectrice qui nous a posé cette question, n’a malheureusement pas précisé son âge. Or, dans ce cas précis, avoir plus ou moins de 80 ans change la donne : « L’exonération de 31 865 euros de don d’argent fonctionne aussi pour les neveux et nièces majeurs dès lors qu’il n’y a pas d’enfants et que vous avez moins de 80 ans au moment du don », explique la notaire parisienne.

Cette exonération pour don d’argent mise à part, l’abattement est de 15 932 euros par frère ou par sœur, et 7 967 euros par neveu ou nièce.

« Combien puis-je donner à ma sœur, mon frère et mes neveux ? »

8 – « Je dois percevoir un héritage de 100 223 euros suite au décès de mon père. Suis-je soumis aux droits de succession ? »

« Si cette personne n’a pas reçu de donation de moins de 15 ans, il paiera uniquement 5% sur les 223 euros taxables aux impôts. Et encore, le calcul des droits de succession se fait sur l’actif taxable donc une fois les dettes déduites, par exemple la taxe foncière ou les frais d’obsèques, l’héritage passera sous la barre des 100 000 euros »

9 – « La marraine de mon fils veut nous léguer une maison mais nous ne pourrons pas payer les frais de succession. Comment faire ? »

L’immobilier peut facilement compliquer une succession, surtout en l’absence d’épargne sur laquelle le fisc pourrait ponctionner les droits de succession. Car « le notaire a besoin de l’unanimité pour débloquer » l’héritage, explique la notaire Me Nathalie Couzigou-Suhas.

Problème : « le notaire ne peut pas faire l’avance. S’il n’y a pas de bien liquide, uniquement de l’immobilier, le fisc va tout de même réclamer les droits dans les 6 mois. Si les héritiers ne parviennent pas à se mettre d’accord ou à vendre à temps, ils devront payer le fisc avant de toucher la vente du logement. » Avec le risque d’être contraints de vendre la maison dans l’impossibilité de payer ces frais aux impôts.

« J’hérite d’une maison mais je ne pourrai pas payer les frais de succession. Comment faire ? »

10 – « Mes parents peuvent-ils me déshériter ? »

Non, rassurez-vous, car cette question est revenue à maintes reprises – avec de multiples cas particuliers – dans la boîte dédiée aux questions de lecteurs de MoneyVox. « Tant que vous êtes soumis au droit français, les enfants ont le droit à une part de réserve ! » coupe Nathalie Couzigou-Suhas. Seule une partie (la « quotité disponible ») de la succession peut échapper aux héritiers dits « réservataires » : la moitié en présence d’un enfant, un tiers avec deux enfants, etc.

Succession : pouvez-vous déshériter votre femme et vos enfants ?

« Ce qui serait retoqué par le fisc, ce serait un important versement à un âge tardif sur cette assurance vie »

Mais, comme le souligne Me Couzigou-Suhas, s’il est impossible de déshériter, le droit français laisse tout de même une part de liberté, au-delà de la seule « quotité disponible » : « L’assurance vie permet de transmettre de très importants montants hors succession. L’enfant n’est pas pour autant privé de sa part de réserve mais ce qui passe par l’assurance vie n’est pas intégré au calcul. Attention toutefois : certes, il est possible d’avoir un gros contrat d’assurance vie avec un bénéficiaire autre que ses héritiers, même si vous avez peu de patrimoine… mais uniquement si l’on abonde cette assurance vie régulièrement au fil de sa vie, de façon raisonnable. Ce qui serait retoqué par le fisc, ce serait un important versement à un âge tardif sur cette assurance vie, par exemple. »

Cet article provient du Site SNE-CGC